Detail du livre : PAROLES DE REFUGIES, PAROLES DE JUSTES
Paru en 2009

PAROLES DE REFUGIES, PAROLES DE JUSTES
La Montagne dans la guerre, terre d'exil, terre d'asile autour du Chambon-sur-Lignon

Annik Flaud et Gérard Bollon (Préface : SIMONE VEIL)

152 pages - 20 illustrations - Format : 165x240 - 22.30 €
PREFACE DE SIMONE VEIL
 
Couverture du livre : PAROLES DE REFUGIES, PAROLES DE JUSTES
Ce ne sont que des villages de Montagne, perchés à 1000 mètres, aux confins de la Haute-Loire et de l'Ardéche.          
On ne trouve ici aucun site exceptionnel à visiter mais il règne un air, une lumière qui laissent deviner une histoire et un état d'esprit peu communs.                
Mais où nous trouvons nous exactement ?      
Sur une terre de refuge ?               
Dans un boite à idées où seraient privilégiés le respect d'autrui, la tolérance, le refus de la violence et l'ouverture au monde?               
Ces valeurs dominantes semblent bien irriguer cette "colline inspirée" où l'on peut retracer une riche histoire d'accueils et de refuges.
Sans armes et sans violence, en silence, les villages du Plateau (Saint-Agrève, Devesset, Mars, La-Batie-d'Andaure, Intres, Tence, Fay-sur-Lignon, Les Vastres, Freycenet-Saint-Jeures, Le Mazet-Saint-Voy et Le Chambon-sur-Lignon) ont souvent constitué des îlots d'humanité pour bon nombre de déshérités et de persécutés.
Personne, pourtant, dans ce pays peuplé de discrets "taiseux", ne cherche à tirer gloire de ces actions humanitaires; ici, on préfère l'humilité aux honneurs, la simplicité aux récompenses.
Et, dans ces valeurs, se trouve, sans doute, la source d'inspiration de cette mémoire vive que nous essayons de transmettre aujourd'hui.
N°ISBN : 9782911584282
L'édition luxe n'est plus disponible

-EXTRAIT-
 
     Les évènements à travers les témoignages et récits relatés ici, souvent émouvants, sont survenus entre 1939 et 1945 dans un pays de montagnes moyennes, de plateaux, de landes, de prairies et de bois de pins et de sapins, éloigné des centres urbains et des grandes voies de communication.
     L’histoire a baptisé du patronyme de « Montagne » ce plateau, situé aux confins du Haut-Velay et du Haut-Vivarais, qui, au fil des siècles, depuis la Réforme, a souvent fait choix d’accueillir l’étranger pourchassé comme l’enfant déshérité.
     Des évènements comparables se sont déroulés dans bien d’autres régions de France : la Drôme, le Tarn, les Cévennes, les Alpes, mais aussi dans d’autres pays : les Pays-Bas, le Danemark, la Suisse…
     Mais il existe une spécificité de la Montagne : ici, tous les habitants, qu’ils soient protestants, catholiques, agnostiques, athées ou communistes ont oublié les guerres du passé et se sont unis pour venir en aide à tous ceux qui venaient chercher assistance ; des Juifs se sont joints aux autochtones donnant ainsi un véritable caractère œcuménique à l’œuvre commune.
     Tous les témoignages de ce livre sont à la fois différents et semblables aux autres, ordinaires et pourtant uniques. Il n’y a pas de petit ou de grand refuge, de petit ou de grand sauvetage ni de petit ou de grand sauveteur.
     Depuis 1962, les récits continuent d’affluer sur le plateau, parfois via Yad Vashem à Jérusalem. Il s’agit des souvenirs des survivants, de textes de leurs descendants, soucieux d’honorer celles ou ceux à qui ils doivent la vie ainsi que celle de leur lignée.
     Les histoires ainsi collectées, au-delà de tous les parcours individuels, forment une œuvre testimoniale, commémorative et pédagogique, et démontrent que l’on peut toujours choisir son camp. Comme les autres Français, les habitants de la Montagne avaient le choix : détourner le regard, fermer les yeux avant de fermer la porte, passer leur chemin.
     Pourtant, la majorité d’entre eux a emprunté les sentiers périlleux de l’insoumission et de l’illégalité pour sauver l’autre, leur semblable. Ces histoires-là sont donc désormais consignées et connues, consultables par les jeunes générations qui souhaitent savoir ce qui s’est passé près de chez eux et qui réfléchissent à ce qu’ils feraient dans des circonstances similaires. Cette quête rétrospective appartient, bien sûr, nous le répétons, aux témoins et à leurs descendants, mais aussi à ceux, beaucoup plus nombreux, qui ne sont pas nommés, qui n’ont pas laissé de “trace” : les humbles, les “taiseux”, les pourchassés repris dans la tourmente des rafles de la police et des Allemands. « Mes parents étaient de braves gens… Des paysans dont la ferme était naturellement ouverte à ceux qui étaient en difficulté. Mes parents se sentaient forts car ils agissaient suivant leur conscience et leurs convictions. Ils n’en parlaient pratiquement jamais !» Bien des attitudes de sauveteurs anonymes suscitent le respect en même temps qu’elles incitent à la réflexion.
     Certes, on ne pourra jamais établir la typologie des sauveteurs de « La Montagne » parmi lesquels, cependant, nombreuses furent les femmes sans lesquelles le sauvetage n’aurait sans doute pas pris une telle dimension . Néanmoins, le parcours individuel des pourchassés pourrait se résumer ainsi : un couple et ses enfants frappent un soir à la porte d’une petite ferme isolée.
La fermière, inquiète certainement, finit par ouvrir les deux battants de sa cuisine et garde ainsi les fugitifs, qu'ils soient anti-nazis, Juifs, Polonais, Espagnols, Autrichiens, Allemands, Hongrois, Tchèques, Russes ou « terroristes » recherchés.
     En montagne du Haut-Vivarais - Velay, les dernières rafles de l’été 42 ne s’achèveront pas d’un seul coup puisque les patrouilles de gendarmerie ne cessent d’aller et venir dans les hameaux et effectuent des “visites domiciliaires”.
     Dans nos villages, de Faÿ-le-Froid à Tence, de Devesset à Freycenet-Saint-Jeures, du Chambon à Intres, en passant par Mars et Saint-Agrève, sans oublier La Bâtie d’Andaure ou Le Mazet-Saint-Voy, une véritable conspiration du secret s’établit.
     Tout cela est fragile et peut être remis en cause par la moindre imprudence ou dénonciation ; mais il n’y a pas de dénonciation ! “Le miracle du silence” se réalise.
     Aujourd’hui, autour de certains témoignages et des nombreux visiteurs accueillis depuis une trentaine d’années, la reconnaissance est peut-être le fil conducteur de cette histoire de La Montagne.
     Tel voudrait être, en tout cas, le sens de cet ouvrage.
     Annik Flaud et Gérard Bollon

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