Detail du livre : L’INCROYABLE LIBERTE
Paru en 2006

L’INCROYABLE LIBERTE
Un enfant sur les chemins de l’exil de l’Espagne en guerre, au Plateau entre Ardèche et Haute-Loire

Manuel Plazas-Sanchez

136 pages - 20 illustrations - Format : 165 x 240 - 11.90 €
PRIX EN BAISSE - (19,80) 11,90 €
 
Couverture du livre : L’INCROYABLE LIBERTE

Une enfance… celle de Manuel, 8 ans, jeté en 1939 avec sa famille sur les chemins de l’exil, fuyant sous les balles une Espagne bientôt franquiste, pour échapper au sort tragique qui menace tout républicain espagnol.
Il gagne à pied, avec ses frères et sœurs, la France, terre d’espoir. Confronté à la réalité des camps d’internement, à la souffrance et à la mort, cet espoir fera place à la colère.
Libéré en 1943 du camp de Gurs, il découvre aux confins de l’Ardèche et de la Haute-Loire, le Plateau, terre porteuse d’une riche histoire d’accueil et de refuge. Enfance volée vécue dans la captivité, avenir incertain et aléatoire, son adolescence sera avant tout une rencontre avec « l’incroyable liberté ».
En « convalescence de haine », Manuel se découvre peu à peu, enfant de cette terre.
N°ISBN : 9782911584237
Disponible en luxe : 57.20 €

-EXTRAIT-
 

     Le camp de Rivesaltes avait une particularité, c’était un ancien camp militaire, baraques en dur, eau courante et électricité ! un luxe !
     C’est dans ce camp que nous avons partagé notre séjour avec les juifs ! Je regardais avec étonnement ces enfants propres, bien habillés, allemands, polonais, français. Beaucoup plus nombreux qu’à Bram. Qu’est ce qu’ils foutaient en camps de concentration ?
     On a tenté de m’expliquer :
     Non ! ils n’étaient pas communistes, ni anarchistes, ni malades.
     Non ! Non ! et Non ! ils étaient juifs.
     J'ai connu Simon, l’enfant était plus jeune et plus petit que moi. Il flottait dans ses vêtements, et ses grosses lunettes et son béret enfoncé jusqu’aux oreilles, lui donnaient un air ahuri. Nous sommes devenus copains le jour où, ayant assisté à l’arraché de son béret, par un gamin parti en courant, je me suis lancé à sa poursuite : j’ai échoué, il m’a échappé ! Revenu sur mes pas, penaud, Simon m’a tendu la main et m’a remercié.
     Par la suite, parlant de lui, parlant de moi, on nous a vus souvent ensemble.
     Ce jour là il m’a donné une table de multiplication arrachée à la couverture verte d’un cahier d’écolier. J’ai reçu ce cadeau avec une vague émotion, comme un pressentiment.
     Je n’ai jamais revu Simon.
     Je ne l’ai jamais oublié.
     J'ai appris ma table de multiplication par coeur, elle est devenue au fil des ans un symbole, une passerelle entre la vie lamentable d'un petit Espagnol sauvage enfermé en camp de concentration et le monde étrange découvert plus tard, au-delà des barbelés.
     Merci, Simon, petit juif de Rivesaltes.
     Nous étions au mois de mars 1943. Mon anniversaire étant en décembre, j’avais douze ans depuis peu.
     Quatre ans ! Un tiers de ma vie enfermé en Camps de Concentration. Des policiers sont venus, nous avons ramassé nos hardes. Le jour se levait ; encadrés, nous avons quitté le camp de Gurs. Pendant le trajet du camp à la gare, la Mama mourait d’appréhension et nous communiquait son angoisse… Nous étions tous habillés à base de couverture militaire, laine et tissu . Dès qu’il fera jour, les policiers le remarqueront.
     Nous ramèneront-ils au camp en représailles ?
     Ils ont vu, ont jeté un coup d’œil distrait à nos vêtements et nous ont aidé à porter nos baluchons.
     Tout au long du voyage ils n’ont cessé d’être prévenants, attentifs, protecteurs, aimables…
     Ma parole, où les a-t-on trouvés ces deux-là ? Pas un « Allez ! Allez ! »
     Et le temps passait.
     Les policiers sont sortis de leur torpeur, nous arrivions ! Mais où ?
     Le train qui prend le relais semble m’accueillir avec un sourire… Rien à voir avec les grosses locomotives rugissantes, menaçantes, qui attendaient en grondant dans les immenses gares obscures et glaciales du passé…
     Longtemps j’ai éprouvé une sourde et douloureuse angoisse en présence des trains, synonymes pour moi de menaces, souffrance et mort !
     Et le petit train démarre…
     D’un air féroce, la petite locomotive tire les wagons à l’assaut des premiers contreforts des monts du Vivarais…
     J’étais en convalescence de haine, je n’avais plus envie de tuer personne.
     Une nouvelle existence commençait, l’apprentissage de : « L’INCROYABLE LIBERTE ».

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