Detail du livre : AUGUSTINE ET JEAN - TOME II
Paru en 2014

AUGUSTINE ET JEAN - TOME II
LA FORCE DU DESTIN

MICHEL RIOU

160 pages - 6 illustrations - Format : 165X240 - 19.90 €

 
Couverture du livre : AUGUSTINE ET JEAN - TOME II
Augustine, jeune fille énergique et déterminée, avait dans le premier volume de ce récit fait la rencontre de Jean, ingénieur à la Compagnie des Chemins de Fer. Alors qu’une attirance réelle et des sentiments profonds les rapprochaient, la famille d’Augustine était parvenue à ce qu’ils s’éloignent l’un de l’autre. Jean a conservé ses fonctions. Augustine, de son côté, a accepté d’épouser un homme de son milieu, un moulinier de Tence.
Dans ce deuxième volume, le lecteur va découvrir comment la vie conduira Jean à croiser à nouveau les pas d’Augustine, devenue maman. Si le temps a passé, leurs sentiments l’un pour l’autre ont évolué, mais ils sont loin d’être éteints. Si rien dans les manières de penser de leur famille n’a évolué, en revanche, à Annonay, au Cheylard, dans la vie politique locale et dans les turbulences sociales et syndicales, tout indique que des changements s’amorcent. Ainsi Jean prendra, à la suite de troubles sociaux, des responsabilités assez inhabituelles pour un ingénieur. A l’occasion de voyages, il fera une rencontre. De son côté, Maria, la sœur de lait d’Augustine se marie.
Augustine, quant à elle, connaît des moments difficiles.
Dans le troisième volume, prochainement disponible, nous verrons comment le destin des personnages est encore plus profondément bousculé, lors-qu’ayant quitté l’Ardèche ils auront à affronter les bouleversements de la Grande Guerre.
Le lecteur aura le plaisir de suivre au fil de ce volume une nouvelle étape de ce récit chaleureux accompagnant des personnages dont l’itinéraire, soigneusement documenté, illustre une page de l’histoire de notre région, dans toute sa richesse et sa saveur.  
N°ISBN : 9782911584473
Disponible en luxe : 57.20 €

-EXTRAIT-
 
     Les nouvelles responsabilités de Jean n’étaient pas passées inaperçues au dépôt du Cheylard. Un ingénieur proche des syndicalistes, ce n’était pas banal. Valayer l’avait tout de suite prévenu.        
“Vous voilà tout désigné pour une belle promotion, si le manche change de mains. Mais aussi pour toutes les sanctions possibles, s’il y a du grabuge dans la maison. On vous en tiendra pour responsable, même si ce n’est pas le cas. Naturellement, je compte sur vous pour me tenir au courant du moindre mouvement ?”        
A la Compagnie Départementale, les occasions de conflit étaient rares. Vaucanson, en dépit de son diplôme, ne pourrait jamais devenir un “meneur” bien dangereux, si l’envie lui en prenait. Au contraire, en cas de problème grave, il pouvait même devenir un interlocuteur utile avec la piétaille, voire avec les populations locales. Mathon-Bourgeas lui-même, dont beaucoup d’ouvrières avaient des fils ou des maris employés plus ou moins régulièrement par la Compagnie, ne s’en inquiétait guère. D’ailleurs, le Premier Mai, Vaucanson allait travailler comme les autres jours.        
Le principal souci de Jean Vaucanson, depuis quelque temps, avait de jolies boucles brunes, qui encadraient un visage souriant. Elle n’était pas très belle, non, mais elle avait de beaux yeux noirs, des joues rebondies de fille des champs, une bouche sans cesse éclairée par un sourire qui découvrait de belle dents bien alignées, avec sur le milieu ce léger écartement des incisives que l’on appelle le signe du bonheur. Elle n’était pas très grande, un peu ronde, pas trop farouche. Plusieurs fois, Jean avait même laissé remonter sa main le long de sa taille, vers un sein largement épanoui.        
“Voyons, avait-elle dit, Monsieur l’Ingénieur, on pourrait nous voir ! “        
Ils se voyaient régulièrement en gare d’Annonay. Jean passait par là désormais pour aller à Saint-Chamond, expliquant à ses parents, qui ne comprenaient pas vraiment que la ligne était plus agréable. Au printemps surtout, quand les cerisiers étaient fleuris et les roses ouvertes, la remontée depuis Peyraud était un véritable enchantement. Jean et Louise avaient repéré un train qui s’arrêtait longuement en gare d’Annonay, pour faire de la vapeur. Charger des peaux et décharger le vin de la vallée, il en montait des foudres entiers. Certains avaient souffert des cahots de la côte et les douelles laissaient s’échapper un peu de liquide brunâtre fort apprécié des cheminots. A la gare, ceux chargés de colmater les brèches, y mettaient beaucoup de temps. En fait, ils en remplissaient plusieurs seaux prévus à cet usage.        
Tout cela, joint avec des manœuvres interminables qu’il fallait effectuer pour diriger vers les voies de garage des wagons chargés de bois du Pilat, laissait largement aux deux tendres amis le temps de partager un solide casse-croûte, composé du pain de la boulangerie, du fromage de la crèmerie voisine, d’un peu de saucisson du Cheylard arrosé naturellement d’un soupçon de ce nectar échappé des fûts. Le père de Louise était mégissier : dur métier; dans l’eau toute la journée jusqu’aux genoux, occupé à décharner, rincer, passer à l’acide des peaux de moutons ou de chevreaux en provenance de la montagne. La mère avait fort à faire à décrasser son homme, le soir quand il rentrait tout empuanti de charogne et de suint et à laver le reste du jour des tenues qui ne pouvaient que garder des odeurs aussi persistantes que nauséabondes. Dès l’âge de onze ans, Louise avait été embauchée par une voisine couturière, depuis deux ans, elle avait trouvé cette place, loin du quartier de la Cance et de ses odeurs, se payant même une chambre sous les toits d’où l’on pouvait apercevoir les ruines du château d’Annonay et même, les jours de beau temps, le soupçon de neige éblouissante qui couvrait souvent le sommet du Pilat.      
Jean ne savait pas définir avec précision les sentiments qu’il avait pour elle. D’abord, un fort désir physique, qui n’était que trop évident. Le jeune homme n’était pas du genre à se satisfaire avec quelque gourgandine cheylaroise qui venait le soir rôder autour des ateliers. L’abstinence forcée dans laquelle il vivait commençait à lui peser. Qu’il eût désiré Augustine, c’était certain. Mais elle était si jeune, si lointaine, si enveloppée dans un monde de couleurs, d’habitudes et de parfums qui n’étaient pas les siens qu’il ne pouvait guère l’imaginer couchée près d’elle dans un même lit, ronronnant de plaisir sous ses caresses. Louise était plus mûre, il la devinait plus disponible. Plus d’une fois, il avait imaginé sa chambrette. Plus d’une fois aussi, il avait imaginé inventer un faux voyage à Saint-Chamond et demeurer avec elle dans la cité des Montgolfier.      
Mais en même temps, Jean avait l’impression, en lutinant Louise, de céder à l’appel de la chair, pour lequel il n’avait encore que mépris. Il ne pouvait encore réunir dans le même élan l’épanouissement de l’esprit et l’éclatement de tous les sens. C’était peut-être une époque bien romantique mais, c’est ainsi que la plupart des jeunes gens de son âge imaginaient l’amour.

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