Detail du livre : LOUISE ROUSSIER
Paru en 2014

LOUISE ROUSSIER
UN DESTIN VOLÉ

HELENE GIMOND

224 pages - 2 illustrations - Format : 165X240 - 22.00 €

 
Couverture du livre : LOUISE ROUSSIER
Louise Roussier, arrivée à l’âge des souvenirs, égrène pour nous les jours d’une longue vie.      
Louise, née en 1860 dans une famille de paysans ardéchois aisés, se rappelle une petite enfance ensoleillée.      
Bonheur fugace.      
En quelques années, les maladies détruisent les vignes et les vers à soie. Dans le village de Louise comme ailleurs, la misère devient le lot commun, aggravée chez elle par l’incurie du père.      
Louise n’a pas quinze ans quand sa jeunesse lui est volée. Plus de rêves, plus d’autre avenir que le labeur et la pauvreté. Pourtant, même privée de tout espoir, elle conserve intacts la fidélité à sa famille et à son village, la grâce de savourer la lumière ou la mélancolie des collines familières, l’art de sourire encore. Le jour où Louise accepte enfin son destin, joies et peines ensemble, une forme d’apaisement lui est accordée. L’enfant meurtrie d’autrefois s’engage alors dans la quête incertaine de la sérénité.        
Hélène Gimond enracine son roman, comme ses précédents ouvrages, dans la généalogie familiale, il y eut bien une aïeule portant le prénom de Louise, dont l’histoire a nourri son inspiration. Dans cette fresque qui  ressuscite l’Ardèche entre 1860 et 1950, l’auteur nous offre le portrait sensible d’une femme très proche de nous par ses contradictions et son courage.
N°ISBN : 9782911584510
Disponible en luxe : 57.20 €

-EXTRAIT-
 
     Je me prénommai donc Jeanne, Louise, Rose Roussier. Maman m’appela tout de suite Louise et mon père s’y habitua, même si au début il disait simplement « la fille ». Bien sûr il aurait préféré un garçon et ne s’intéressait guère à une si petite enfant, mais ce manque d’intérêt pour un nourrisson était dans la nature des hommes, nul ne s’en offusquait.        
Pour le voyage de Saint-Pierre à Lanas mon grand-père prêta sa calèche, plus confortable que le char à bancs, et notre parcours, une trentaine de kilomètres environ, s’effectua sans encombre. Lanas est le village natal de mon père, où j’ai grandi. Il est situé plus au nord, au bord de la rivière Ardèche. Je fus chaudement couverte pour ce voyage, ponctué, paraît-il, de nombreux arrêts pour les tétées.        
Je ne peux m’empêcher de sourire en pensant à toutes ces précautions prises à mon endroit comme si ma vie allait être un chemin bordé de roses. Il me semble que celle-ci s’est déroulée assez paisiblement jusqu’à mes cinq ou six ans entre le village de mes parents et Saint-Pierre, ou bien ma mémoire n’a retenu que le meilleur, comme c’est souvent le cas. Je me souviens surtout d’une maison pleine de bébés. Mes parents m’ont donné rapidement une sœur et des frères, quatre enfants en six ans. Un an à peine après ma naissance venait au monde une petite fille nommée Emma, comme ma mère, que je me mis à aimer avec passion ; puis Jean, et enfin Félix.        
D’après le contrat de mariage de mes parents que j’ai évoqué tout à l’heure, mon père aurait dû vivre la moitié de l’année à Saint-Pierre pour seconder mon grand-père. C’était loin d’être le cas. Comme disaient mes parents : « On ne peut pas être au four et au moulin. » Surtout quand le four et le moulin sont si éloignés l’un de l’autre. Mon père s’y rendait de temps en temps, seul : déplacer une famille avec des enfants n’était pas chose aisée et je me demande toujours à quoi pensaient mes grands-parents en inscrivant cette clause.      
Ce n’est pas que mon père fût très attaché à sa famille, il s’absentait facilement, mais les séjours prolongés lui causaient d’autant plus de difficultés qu’il était lui aussi agriculteur, et maire de surcroît. À cette époque, dans un petit village comme le nôtre, le maire avait un rôle essentiel : il était requis en toutes circonstances, aussi bien pour régler un problème de voisinage, ou tout autre litige, que pour des aides plus personnelles, dans la rédaction d'un courrier par exemple. Après le décès de Louis, mon grand-père et parrain, il se retrouva seul à gérer la propriété de Lanas, et je crois qu’il eut alors un bon prétexte pour ne plus y retourner du tout. Et même quand nous y faisions quelques séjours avec ma mère pour les grandes fêtes ou l’été, il ne nous accompagnait pas, c’était un autre Louis, le vieux domestique de mon grand-père de Saint-Pierre, qui venait nous chercher.      
Ces vacances ne se présentaient pas souvent, mais elles m’ont laissé des images tellement lumineuses que mon enfance en est tout éclairée. Je me souviens en particulier qu’à la suite d’une coqueluche que j’ai contractée autour de mes cinq ans, afin de ne pas contaminer mes frères et sœur on m’a expédiée tout un grand mois au domaine. J’en garde un souvenir attendri.      
À la décharge de mon père, j’ai appris beaucoup plus tard, de lui-même, que l’agriculture ne l’avait jamais attiré. Il aurait voulu devenir vétérinaire, mais les études coûtaient cher et il était fils unique, aussi son père ne lui avait pas laissé le choix. Mais ce qui l’intéressait vraiment, c’était toujours les soins aux animaux. Il n’y en avait pas deux comme lui pour aider une jument à mettre bas, soigner la maladie du gros ventre *, tuer les cochons, etc.      
On venait le chercher de loin, il se déplaçait alors avec un plaisir évident, mais ceci ne remplissait pas sa bourse : les soins étaient gratuits, mis à part quelques avantages en nature.

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